Quand l’ONF fait la promotion des cloisonnements sur le massif de Fontainebleau

Le 3 février dernier, C3Pi a participé à une journée sur la gestion irrégulière en Forêt de Fontainebleau, organisée à l’initiative du comité de pilotage de Fontainebleau, Forêt d’Exception (FODEX). Cela a été l’occasion de réaffirmer la volonté de C3Pi de participer aux discussions au sein du FODEX et d’actualiser les contacts auprès de l’ONF. Comme annoncé dans l’invitation, cette journée était clairement organisée en réponse à notre action de l’an dernier qui a conduit à l’arrêt du chantier de mise en place de cloisonnements sur 120 ha en Forêt des Trois Pignons. En raison de la crise sanitaire, cette réunion était entièrement en extérieur et réunissait des représentants des associations et collectivités territoriales impliquées. Au final, après avoir annoncé une limite de 20 personnes, nous étions près de 40 présents, ce qui n’a pas permis d’effectuer un traditionnel tour de “table”. Le port des masques en sus n’a pas favorisé les échanges entre les participants. C3Pi était représenté par son président (J. Laskar) et son vice-président (L. Belvaux) et on pouvait noter la présence d’un conseiller municipal de Noisy-sur-Ecole et du Vaudoué, cette dernière commune ayant récemment affirmé sa volonté de participer aux réunions du FODEX.

Toute la journée a été animée par Nicolas Luigi, délégué général de Pro Silva France et spécialiste de la promotion de la gestion irrégulière, c’est à dire de la méthode d’exploitation forestière mettant en place des cloisonnements pour l’accès des machines forestières. La séance de la matinée se déroule dans une parcelle au carrefour de la Croix de Souvray qui a fait l’objet d’une exploitation il y a 3-4 ans avec la mise en place de cloisonnements et d’un éclaircissement dont l’empreinte est relativement estompée actuellement. Le discours est partiellement faussé dès le début, car l’animateur de Pro Silva, qui, une semaine auparavant, s’adressait peut-être aux exploitants forestiers des Landes, vante les mérites de la gestion irrégulière avec la mise en place de cloisonnements par rapport aux coupes rases. Il est évident que la problématique de la Forêt de Fontainebleau, et en particulier des Trois Pignons est toute autre. Les coupes rases sont exclues, et nous remettons justement en cause une application des cloisonnements qui ne respecte pas la nature des paysages dans ce milieu fragile et peu fertile. Par ailleurs, Nicolas Luigi se place d’emblée dans une logique de rentabilité d’exploitation forestière et omet même de mentionner la fonction sociale de la forêt, omission qu’il corrigera une fois que nous lui aurons rappelé l’importance particulière que revêt cet aspect dans le massif de Fontainebleau. Peu de prise en compte aussi de la préservation de la biodiversité dans la forêt, comme il est rappelé par le président de l’ANVL.

Nicolas Luigi, promoteur au sein de Pro Silva d’une gestion de la forêt par traitement en futaie irrégulière pour optimiser le rendement économique de l’exploitation forestière par rapport aux coupes rases.

La journée est toutefois pleine d’enseignements. Dans cette première parcelle, poussent essentiellement des hêtres et des chênes. De manière surprenante, la régénération ne se fait qu’avec les hêtres, et on ne voit pas de jeunes chênes. Aucune explication ne viendra éclaircir cette constatation faite par tous.

La séance de l’après midi se déroule en Forêt des Trois Pignons, au Carrefour des Longs Réages, au tout début de l’Ancien Chemin de Melun. Ce choix est surprenant, et nous rappelons que les parcelles aux voisinage de ce carrefour ne sont pas représentatives de la Forêt des Trois Pignons et de la beauté de ses paysages. L’état de ces parcelles permet même à N. Luigi de proposer que l’ouverture de layons au sein du gaulis de pins de ces parcelles permettra d’embellir le paysage en donnant des perspectives.

Dans ces parcelles au sol pauvre, les chênes sont beaucoup moins développés que dans la parcelle précédente, et dominent les pins et dans une moindre mesure les bouleaux. Un débat s’instaure sur la compétition entre les pins et les chênes. Effectivement, on ne voit aucun jeune chêne, alors que les jeunes pins sont en très grand nombre, à diverses phases de maturité, avec en particulier des gaulis très denses de jeunes pins qui semblent se mettre en place dès qu’une ouverture est présente dans la forêt. Selon le responsable Pro Silva, il n’y a jamais de compétition entre les pins et les chênes. Il affirme que les pins préparent le terrain pour les chênes. Il ne précise cependant pas l’échelle de temps à laquelle s’opère cette transformation. Au contraire, Jean-Philippe Siblet, président de l’ANVL propose une action volontaire et active pour lutter contre l’enrésinement en procédant à l’enlèvement des pins en grand nombre, même si cette action doit être répétée à court terme.

Dans cette parcelle encore, la régénération des chênes est problématique. Comme en plusieurs autres endroits, on observe que les glands donnent naissance à des petits chênes, qui atteignent une vingtaine de centimètres, mais ceux-ci ne progressent pas au-delà et dépérissent. Les chevreuils sont incriminés, mais nous faisons remarquer que le même phénomène se produit sur des parcelles privées encloses, où les chevreuils ou sangliers n’ont pas accès. Ce point n’est pas résolu. Dans ses conclusions, Nicolas Luigi considère que c’est un point technique important qui nécessite d’être compris pour pouvoir entreprendre une régénération convenable des chênes. Les propositions d’explications sont les bienvenues.

Un des intérêt de cette manifestation a aussi été de développer les interactions avec l’ONF et les autres associations présentes. En particulier, à l’issue de la réunion de l’après-midi, nous sommes allés avec Jean-Philippe Siblet, président de l’ANVL, ornithologue de formation et grand défenseur des espèces menacées, sur le site de la Lande de la Poulette. Dans le cadre du chantier prévu par l’ONF l’an dernier, tous les arbres devaient être abattus sur cette zone, afin de permettre de développer l’habitat de différentes espèces à préserver (Alouette lulu, Fauvette pitchou et Engoulevent d’Europe). Au sein de C3Pi, nous avons questionné la nécessité d’abattre les quelques bouleaux présents sur cette lande et qui apportent un élément esthétique indéniable au paysage. Arrivé sur les lieux, la réaction de J.-P. Siblet a été immédiate. Pour lui, il fallait bien sûr préserver les bouleaux qui ne nuisent en rien au développement des espèces menacées. En revanche il préconise un abattage sérieux des pins qui colonisent la lande. Tout ceci montre bien l’importance des discussions entre les différentes instances pour aboutir à une gestion raisonnée de la forêt.